La double gouttière cycloïdale
La double gouttière
cycloïdale est formée de deux canaux identiques juxtaposés ayant la forme
d'une demi-cycloïde, une cycloïde étant la courbe décrite par un point d'un
cercle qui roule sur une droite. Si on lance simultanément deux billes à des
niveaux différents dans ces deux gouttières, elles arrivent en même temps à
l' extrémité de la partie incurvée. La durée de la descente d'une bille,
dans ce dispositif, ne dépend donc pas de la longueur du trajet (si le trajet
est plus long, la bille va plus vite au début) ... On dit que la cycloïde
est une courbe tautochrone pour le mouvement d'un point pesant.
Si l' on attache une des billes à un fil pour constituer un pendule, tout en
obligeant son centre à décrire une cycloïde, on montre que la période, c'est
à dire la durée d'oscillation, ne dépend pas de son amplitude : C'est la
propriété dite de l'isochronisme des oscillations.
La
recherche d'un pendule isochrone quelle que soit son amplitude a été
entreprise dès 1659 par Christian Huygens en vue de régulariser les horloges
marines, indispensables pour déterminer correctement la longitude : la terre
faisant un tour complet, soit 360°, en 24 heures, un point de la surface
terrestre va parcourir 15° de longitude en une heure ; il suffit donc, en
principe, de connaître la différence entre l'heure de référence sur le méridien
de départ et l'heure locale pour connaître la longitude à un instant et un
lieu donnés, d'où la nécessité d'un bon garde-temps pour avoir à tout
moment, à bord d'un navire, l'heure du méridien du point de départ. Alors que
les horloges à folio pouvaient varier d'au moins une demi-heure par jour avant
Huygens, la pendule à balancier de ce dernier améliore beaucoup la précision.
Mais
Christian Huygens voulait trouver un pendule parfaitement isochrone quelle
que soit son amplitude. Il établit d'abord la propriété spécifique de
la cycloïde : c'est la courbe tautochrone pour le mouvement d'un point
pesant. La courbe tautochrone est la courbe plane qu'un point pesant doit
parcourir, sans frottement et sans vitesse initiale, pendant une durée
indépendante de la longueur du trajet. Cette propriété peut se
vérifier facilement à l'aide de la double gouttière cycloïdale. Dans
son œuvre maîtresse "l'Horloge
oscillante", Huygens décrit en 1673 une horloge réalisant
l'isochronisme des oscillations pour toutes les amplitudes : le pendule
s'y trouve guidé par deux lames métalliques de telle façon que son
extrémité décrive non pas un arc de cercle, mais un arc de cycloïde. |
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Il
faudra pourtant attendre un siècle pour que cette horloge, qui semblait peu
pratique à utiliser en mer, soit remplacée par des garde-temps ne variant que
de quelques secondes par jour, tels que la montre marine de l'anglais John
Harrisson, celles de l'horloger d'origine suisse Ferdinand Bertoud mais aussi,
à partir de 1769 , par celle du tourangeau Pierre Le Roy, qui est considéré
comme le véritable père du chronomètre.
Ajoutons
que les calculs nécessaires à la résolution du problème de la cycloïde
courbe tautochrone furent parmi ceux qui ont nécessité une véritable
révolution dans l'histoire des mathématiques : la création du calcul
différentiel et intégral au 17ème siècle. (voir l'article de Jacques Dubois BUP n°737 page 1251 :
Chute d'une bille le long d'une gouttière cycloïdale.Tautochrone et
bratistochrone. Propriétés et historique.